La Galerie du lycée Notre-Dame de Sion à Istanbul héberge depuis le 27 avril, et jusqu’au 14 juillet, l’exposition “Le français comme un miroir urbain, 1850-1950”, qui se fonde sur une curieuse complicité du français avec le phénomène publicitaire. Elle propose une relecture de la ville d’Istanbul de 1850 à 1950, sous le prisme de multiples récits et iconographies publicitaires francophones qui la traversent.
Le français devint l’une des langues dominantes du contour méditerranéen tout au long du XVIIe siècle, avant de devenir une langue internationale en Europe au lendemain du Siècle des Lumières et de la Révolution française. Les premières relations d’amitié entre la France et la Turquie, initiées au XVIe siècle sous les règnes de François Ier et de Soliman le Magnifique, jouent un rôle crucial dans ce parcours de la langue, en permettant aux Français d’étendre leur commerce dans les échelles du Levant appartenant alors à l’Empire ottoman.
L’accompagnement de la présence commerciale française par des réseaux diplomatiques et consulaires efficaces et plus particulièrement par une influence culturelle de la France, favorisera davantage l’ancrage du français dans les ports ottomans par rapport à la circulation d’autres langues étrangères dans l’empire.
Dans les mots de Joëlle Pierre, la francophonie deviendra également un “phénomène interne à l’Empire ottoman”, sous l’impact de plusieurs établissements scolaires dont le Lycée français Notre-Dame de Sion, qui ouvrira ses portes dans la capitale ottomane en 1856, en tant que la première école de filles de la Turquie.
La publicité, perçue au sens large du terme, se développe dans l’Empire ottoman, comme en France et plus généralement en Europe, simultanément avec l’émergence des premiers journaux. Avant l’apparition d’une presse turque dans les années 1830, les premiers journaux furent publiés en français. Plus de 700 périodiques, entièrement ou partiellement rédigés en français, sont recensés dans le travail de G. Groc et I. Çağlar dès la fin du XVIIIe siècle jusqu’en 1980 en Turquie. Parmi ces périodiques, environ 400 virent le jour à l’époque ottomane.
Cette exposition propose une relecture de la ville d’Istanbul et des autres villes qu’elle abrite virtuellement dans un espace de temps de cent ans, et plus précisément de 1850 à 1950 sous le prisme de multiples récits et iconographies publicitaires francophones qui la traversent. Le français, en tant que langue universelle et commerciale de l’époque, y joue le rôle d’un miroir urbain dans cette mise en scène et dans cette source de sens et de symboles qu’est la publicité. Le français circule à travers les annuaires commerciaux, les cartes postales, les factures et les logos des sociétés.
Dans ce contexte, la publicité est perçue comme tout outil visuel et textuel qui construit l’image d’un produit ou d’une institution et laisse une empreinte mémorielle chez les consommateurs. La langue, qui complète l’image par une profondeur textuelle, accompagnera comme un miroir les transformations d’une société, de l’Empire ottoman à la République de Turquie en inventoriant dans son répertoire sémantique les préoccupations, les valeurs, les impulsions, l’esthétique et les rapports de force qui régissent une ville cosmopolite s’ouvrant à l’économie-monde et à un projet d’occidentalisation pour pouvoir les refléter rétrospectivement comme un document historique. Au cours de ce trajet, la ville d’Istanbul offrira elle-même un cadre urbain au miroir duquel un regard attentif percevra l’évolution du français dans un contexte mondial qui chemine vers une culture de plus en plus anglophone.
L’exposition est constituée d’une vingtaine de publicités très parlantes en termes de graphisme et de jargon. Ces publicités, de l’Empire ottoman à la République, sont exposées en grand format. L’installation est interactive afin d’éviter une exposition exclusivement documentaire. Une centaine de publicités sont projetées sur les écrans, ainsi que de courtes projections sur le contexte général. Et, des objets surprises…
Les différentes sources francophones de Salt Araştırma, de la Bibliothèque Atatürk de la Municipalité métropolitaine d’Istanbul, de la Bibliothèque d’Etat de Beyazıt, de la BNF, ainsi que des archives et collections privées des établissements tels que Hacı Bekir, Kurukahveci Mehmet Efendi, Sabuncakis, vous guideront pour ce regard attentif porté sur la langue et la ville dans laquelle cette dernière est en circulation
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