Marie-France Bornais Dimanche, 12 septembre 2021 00:00
Grand roman de l’Arménie, L’oiseau bleu d’Erzeroum est une saga familiale et historique racontant une partie du génocide arménien et une partie de l’histoire familiale de l’écrivain à succès Ian Manook. Poignante, crue, très documentée, cette grande saga dépeint les horreurs vécues et la diaspora des survivants. Car il y en a eu. Sa grand-mère et son grand-père ont pu en témoigner.
En 1915, Araxie, 10 ans, et sa petite sœur, Haiganouche, 6 ans, échappent par miracle aux massacres des Arméniens par les Turcs.
À la veille d’être abandonnées dans le désert de Deir-ez-Zor, après des mois de déportation à pied et de misère, elles sont vendues comme esclaves à un bourgeois d’Alep. L’esclavage leur vole leur liberté… mais elles ont la vie sauve. Les petites sœurs, séparées par les aléas de la vie, vont connaître un destin inattendu. L’une se retrouvera en France, où elle épousera un jeune Arménien révolutionnaire. L’autre deviendra poétesse en Russie, dans une dure période de totalitarisme.
Ian Manook, écrivain au talent phénoménal, s’est librement inspiré de l’histoire de sa famille pour écrire cette grande saga qui raconte le désordre des guerres, les massacres, les déportations, les misères, les turbulences de l’Histoire, mais aussi la survivance.
« Ce qui a été très dur pour les Arméniens, c’est que l’État turc a réussi à nier le génocide jusqu’à ce que disparaissent les derniers témoins vivants », commente-t-il.
« On n’a pas réussi à faire témoigner nos survivants donc la chose est passée de façon moins humaine, moins émotive. C’est devenu juste un problème de chiffres et de statistiques. Biden a reconnu le génocide, et c’est très bien, mais on est en 2021. Ça fait plus que 100 ans. Donc, reconnaître un génocide 100 ans après, c’est très bien, mais ça n’apporte pas grand-chose à la reconnaissance du génocide. »
Tout ce qui concerne sa grand-mère et son grand-père dans le roman est directement tiré de ce qu’ils lui ont raconté et de ce qu’il sait de leur vie.
Il s’est permis une liberté : dans la vraie histoire, la petite sœur de sa grand-mère n’était pas aveugle, mais muette. « Je me suis permis ce changement parce que la cécité […] est un moyen beaucoup plus fort de faire ressentir l’horreur de ce qui se passait. Être témoin de l’horreur sans pouvoir la dire, c’est une chose. Mais sans pouvoir la voir, c’était beaucoup plus fort. »
Passages supprimés
Écrire tout ce qui s’est réellement passé a été difficile – il y a des passages terrifiants qui montrent jusqu’où l’humain peut aller, par cruauté, par vengeance, par bassesse.
« J’ai voulu, exprès, que les 60 premières pages soient consacrées au génocide. Je ne voulais pas expulser le génocide en cinq ou six pages. Je savais, par le récit de ma grand-mère, que ça avait duré très longtemps, que jour après jour, c’était de plus en plus cruel. Je voulais absolument […] que ça occupe entre 50 et 100 pages. »
Il a accepté, après discussion avec son éditeur, de supprimer les deux passages les plus horribles de son manuscrit. « Les passages les plus horribles, que ma grand-mère a vraiment vécus, ne sont pas dans le livre. »
Araxie et Haigaz, dans le roman, correspondent totalement à sa grand-mère et son grand-père. « J’ai raconté ce qu’eux m’avaient raconté. Le fait que mon grand-père trouve un papier sur un cadavre, par exemple, c’est vrai. Tout ce que je raconte est vraiment leur vie, y compris leur arrivée en France et la façon dont ils se rencontrent. »
- Ian Manook est bourlingueur, journaliste, patron d’une société de communication et écrivain à succès.
- On lui doit une dizaine de best-sellers traduits dans près de 10 langues, dont la trilogie des thrillers mongols (Yeruldegger, Les temps sauvageset La mort nomade).
- Photo courtoisie, Roberto Frankenberg Ian Manook
https://www.journaldemontreal.com/2021/09/12/le-grand-roman-de-larmenie
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