Il fait partie de la diaspora qui œuvre pour venir en aide aux enfants abandonnés, déshérités de ce petit pays de 3 millions d’habitants situé entre la Turquie et l’Azerbaïdjan. Première nation à être devenue chrétienne, dans la continuité apostolique, l’Arménie reçoit beaucoup d’aides de cette diaspora disséminée dans le monde entier. Portrait d’un homme qui consacre sa vie à ses œuvres humanitaires multiples.
Monsieur Gabrache, avec votre Fondation Alliance Arménienne de Genève, vous êtes l’un des bienfaiteurs qui permettent d’assister et de financer les œuvres de bienfaisance des Sœurs Arméniennes à Erevan, Gyumri, et Tashir. Pouvez-vous vous présenter personnellement et professionnellement ?
Je suis né au Liban en 1952. Puis, je suis arrivé en Suisse en 1957, où j’ai fait toutes mes études. Après ma maturité commerciale, j’ai étudié à l’Ecole Hôtelière de Lausanne, voulant reprendre la direction des hôtels de feu mon père. Cependant, mon intérêt a été plus poussé du côté de la finance, et comme mon père était, aussi, dans la finance depuis mon grand-père, j’ai repris la Société financière familiale. Après quarante ans d’activité, je l’ai définitivement fermée, et, je suis parti à la retraite. Mon père ne s’est pas engagé comme je l’ai fait dans le milieu arménien. Il y participait financièrement, à l’inverse de mon grand-père qui lui avait même fondé un journal arménien en Turquie.
Entrons dans le vif du sujet de la Fondation. Depuis quand existe-t-elle ? Quel est son objet, comment fonctionne-t-elle, et, avec quel budget ?
La Fondation Alliance Arménienne a été créée le 4 mai 1994. Elle a été fondée sous l’impulsion de Mgr Grégoire Ghabroyan, qui est, aujourd’hui, le Patriarche des Arméniens catholiques, et de quelques arméniens de la diaspora. C’est la seule fondation en Suisse dont les membres fondateurs sont encore vivants. Son but principal est de soutenir et aider les arméniens à travers le monde, grâce à son fond financier constitué par ses fondateurs. Elle fonctionne sur la base de demandes d’aides provenant soit d’Arménie, soit de la diaspora, et dont l’attribution est en général acceptée à l’unanimité par les membres du Conseil. La Fondation n’a pas de budget annuel, elle soutient les aides sollicitées au coup à coup.
Parlez-nous un peu plus de vous-même. D’où vous vient ce goût pour la philanthropie ?
Je suis tombé dans la marmite arménienne à la suite de l’appel d’un ami pour participer à un déjeuner communautaire. A partir de là, j’ai été élu trois ans plus tard Président de l’Union Arménienne de Suisse. Durant ma présidence, nous avons connu le tremblement de terre, en 1988, et, la première guerre du Kharabagh. Cela nous a amené à créer l’Association SOS Arménie, et grâce à la générosité financière de la population helvétique, nous avons pu soutenir le peuple arménien par des actions humanitaires. Durant la période de ma présidence, des membres de notre communautés m’ont sollicité pour prendre la présidence de Fondations qu’ils allaient créer à leur décès. C’est ainsi que je suis devenu Président de la Fondation Philippossian et Pilossian, Président de la Fondation Arménia, Président de la Fondation Hagop D. Topalian, suivi par la présidence de la Fondation Alliance Arménienne. C’est également à cette période que l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance à New York m’a fait le grand honneur de me solliciter d’être membre de leur Conseil d’administration. Toutes ces institutions ont
chacune leurs propres champs d’action dans la bienfaisance. Retraité aujourd’hui de mon activité professionnelle, je me consacre journellement à continuer les actions humanitaires de ces institutions et de préparer les jeunes générations à reprendre le flambeau.
Parlez-nous, maintenant, de l’Arménie. De cette terre chrétienne ancestrale, dont le peuple est martyr. Comment présenteriez-vous l’Arménie, surtout avec les derniers évènements tragiques et la guerre dans le Haut-Kharabagh ?
Ayant connu l’Arménie depuis l’époque soviétique, suivie par son indépendance, j’éprouve pour ce pays un attachement égal à celui que j’ai pour la Suisse. Je n’aie aucun lien de parenté dans le pays, cependant, mes racines arméniennes ne peuvent que m’attirer vers cette terre ancestrale. C’est pour cela que notre aide et mon aide personnelle se sont accentuées avec la nouvelle guerre du Kharabagh. Mon inquiétude est énorme sur la situation politique. Après la Révolution de « Velours », qui a élu Monsieur Pachinian comme Premier ministre, l’Arménie a connu durant deux ans une ascension extraordinaire. Grâce à cette terre chrétienne, les touristes du monde entier commençaient à venir en Arménie pour visiter les sites chrétiens datant de plusieurs siècles. Les chiffres économiques ont montré le réel engouement pour ce petit pays, premier peuple à s’être converti au christianisme en tant que religion d’Etat. L’histoire de ce pays a forgé une identité forte à l’Arménie et malgré tous les malheurs qu’a connus ce peuple, rien ne pourra rayer l’Arménie de la carte et le peuple arménien de son identité.
L’Arménie est un petit pays chrétien de 3 millions d’habitants. Pour vous, est-ce que la foi est importante ?
Le peuple arménien est composé de 90% d’apostolique, de 7% de catholiques et de 3% de protestants. La foi et la religion font partie intégrante de l’identité arménienne. L’Eglise arménienne a permis de garder soudé le peuple arménien dans les moments les plus terribles de son histoire ainsi que durant la période soviétique. Et, elle continuera son rôle dans les générations futures.
La diaspora, les fondations jouent un rôle essentiel dans l’oxygénation et la survie du peuple arménien. Sans leurs aides, sans leurs financements, l’Etat ne pourrait pas répondre aux besoins essentiels de sa population. Avec la guerre de 2020, dans le Haut-Kharabagh, des dizaines de milliers de réfugiés ont dû abandonner leurs terres ancestrales. Que pensez-vous de cette guerre ? Et, est-ce que vos aides se sont multipliées pour les réfugiés ?
Cette nouvelle guerre du Kharabagh fait malheureusement partie d’un nouveau drame du peuple arménien et de la population kharabaghtsi. Tout laisse à penser que les gouvernements successifs depuis la première guerre, il y a trente ans, n’ont pas été capables de visionner le pays dans le futur. De toute évidence la corruption, comme dans tous les pays de l’ancien bloc soviétique, était devenue un sport national. Des dirigeants n’ont été que des visionnaires pour leur poche et le prix à payer a été ce cataclysme qui a couté la vie à des milliers de jeunes, privant notre nation de toute une génération, et évidemment laissant des dizaines de milliers de personnes sans-abris, sans moyens financiers et créant ainsi un déséquilibre social et économique gravissime. Aujourd’hui toute la diaspora s’est mobilisée pour venir en aide aux réfugiés logés sommairement. Les Fondations arméniennes suisses poursuivent encore l’aide apportée à ces réfugiés, ainsi qu’aux milliers de blessés sur les champs de batailles.
Les Sœurs Arméniennes de l’Immaculée Conception font un travail formidable dans leurs centres. Sœur Arousiag est appelée la « mère Teresa » d’Arménie. Qu’en pensez-vous ? Enfin, quels sont les projets de la fondation pour 2021 ?Et, allez-vous venir en Arménie ?
Comme vous l’avez sûrement appris, les premières actions de la Fondation Alliance Arménienne ont été faites en faveur des Soeurs de l’Immaculée Conception. Soeur Arousiag était directrice à ce moment des projets de la Congrégation en Arménie. Toutes les actions humanitaires portées par Soeur Arousiag ont été des succès sans pareils. L’Orphelinat Boghossian à Gumri, la salle polyvalente et les classes d’école professionnelles, le Centre pour personnes âgées, le Camp de vacances de Tzargadzor. Sans Soeur Arousiag « notre Mère Teresa arménienne », rien n’aurait pu être réalisé. Et c’est toujours avec beaucoup d’affections et de fierté que je la rencontre. Je suis personnellement touché par cette congrégation, car, mon arrière-tante, Mère Elbis Gabrachian en a été la Mère Supérieure dans les années 1916. Je devais venir en Arménie la semaine dernière pour suivre la commande de la Fondation Alliance Arménienne qui a commandé deux cliniques ambulantes et acheté une ambulance. Ces véhicules nécessaires à certains hôpitaux seront mis en service dans les prochains mois. Mais ayant contracté une grave maladie, je me dois de la soigner définitivement avant de reprendre le chemin de ce pays aux mille facettes, HAYASTAN.
Interview réalisée par notre envoyé spécial Antoine BORDIER
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