Suite au tremblement de terre du vendredi 30 octobre 2020 survenu à 14h51 ayant affecté Izmir et sa région, Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul, a souhaité venir apporter son soutien à la communauté française du secteur ainsi qu’aux autorités locales.
A l’issue de sa visite sur place les 4 et 5 novembre dernier, il a bien voulu répondre aux questions du Petit Journal d’Istanbul.
Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul devant le Consulat Honoraire de France à Izmir
Nathalie Ritzmann, pour le Petit Journal d’Istanbul : Vous avez rapidement émis le souhait de venir rencontrer la communauté française d’Izmir et environs avec Pierre Deroubaix, Vice-Consul et chef de chancellerie. Pouvez-vous nous en dire plus quant à des ressortissants français et/ou franco-turcs touchés plus ou moins gravement par le séisme ?
Olivier Gauvin : Une première chose importante, c’est notre très forte émotion face au tremblement de terre qui a frappé les habitants d’Izmir. Nous avons suivi dès la première heure, et quasiment en direct, tout ce qui s’est passé ici grâce au travail de notre Consule Honoraire, qui était en contact constant avec les autorités locales et la communauté française pour suivre l’évolution de la situation en temps réel.
Aujourd’hui, nous avons été emmenés à Bornova par les pompiers et les équipes de secours sur deux sites directement impactés et où des immeubles se sont écroulés. Nous avons ainsi vu concrètement les tragiques conséquences de cette catastrophe.
Au centre Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul, entouré par Zeliha Toprak, Consule Honoraire de France à Izmir et les différents responsables des services de secours à Izmir suite au tremblement de terre – crédit photo Consulat Général de France Istanbul
Ensuite, nous nous sommes rendus dans un campement, également à Bornova, mis à disposition des personnes qui n’ont plus accès à leur logement, à la fois des tentes pour s’abriter, des vivres et tout le nécessaire vital. Nous avons ainsi pu voir la façon dont les secours étaient organisés, le poste d’urgence et la prise en charge des victimes avec les différents opérateurs tels l’AFAD (Présidence des affaires internes de gestion des catastrophes et des urgences du Ministère de l’Intérieur), Kızılay (Croix Rouge turque).
J’ai eu un très long entretien avec le responsable de l’AKOM (Centre de Coordination des Catastrophes), organisme qui dépend de la Mairie d’Izmir, qui nous a expliqué toutes les étapes de son travail, la mobilisation de ses équipes, les procédures, la coordination avec l’AFAD et comment tout cela fonctionnait. Les sauveteurs ont fait un travail incroyable et ont oeuvré pendant 108 heures pour sauver des vies.
Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul et Zeliha Toprak, Consule Honoraire de France à Izmir, sur le site d’accueil des sinistrés du tremblement de terre à Bornova/Izmir – Crédit photo Consulat Général de France Istanbul
Dès le départ, la France a proposé son soutien officiel par la voie de ses Ministres des Affaires Etrangères et de l’Intérieur. L’Ambassadeur de France en Turquie et moi-même avons bien entendu contacté les autorités locales pour voir s’il y avait une manière d’aider. Nous sommes en soutien total avec l’ensemble de la population d’Izmir, qu’elle soit française ou pas.
S’agissant plus particulièrement des Français, dont évidemment les Franco-Turcs, car nous ne faisons pas de distinction entre eux, à ce stade et d’après les informations qui sont les nôtres, nous n’avons eu aucun retour sur la présence de victimes françaises. Aucun Français ne nous a contactés pour dire qu’il avait été victime du séisme ou qu’il connaissait un autre Français qui l’aurait été. Ni notre Consule Honoraire, ni les personnes chargées dans la zone de la sécurité des Français, n’ont fait remonter ce type d’information. Il n’en reste pas moins important de venir au contact des Français qui ont été, comme tous les autres habitants d’Izmir, extrêmement choqués par ce qui s’est passé. Le but de notre visite était de les écouter, de leur parler, d’entendre leurs éventuelles questions ou demandes… et de créer des liens. J’en profite pour dire qu’étant arrivé il y a deux mois au poste de Consul Général à Istanbul, un de mes objectifs principaux est d’aller à la rencontre de la communauté française dans l’ensemble de la circonscription ouest de la Turquie. Izmir en constitue un des pôles très importants avec près de 1200 Français inscrits au registre des Français de sa circonscription.
Une permanence et un accueil ont été assurés sur rendez-vous par vos soins et par le Vice-Consul durant ce séjour. Combien de personnes ont souhaité vous rencontrer et des aides spécifiques ont-elles été demandées ?
Sur les deux jours, nous avons rencontré une bonne vingtaine de Français. Il n’y a pas eu de demande d’aide spécifique mais nous avons discuté de sujets divers, liés à des affaires consulaires donc administratives, de sujets liés à l’Institut, etc. Certains sont venus simplement se présenter et expliquer ce qu’ils faisaient, pourquoi ils étaient installés ici. Et j’ajoute, sans le dramatiser, parmi les questions évoquées, il y avait toutes les questions de sécurité, sismique évidemment et en général vu le contexte actuel. J’étais venu déjà une fois ici, en septembre, mais je souhaitais revenir rapidement en tout état de cause pour rencontrer plus de Français. Au final, par rapport au séisme même, personne n’a demandé de rendez-vous mais si quelqu’un n’a pu se manifester pour une raison X ou Y, il peut toujours le faire.
Les écoles Tevfik Fikret pleurent la disparition de deux de leurs élèves et l’école Piri Reis est également en deuil. Le lycée Saint-Joseph a été touché ?
Nous avons vu le directeur de Saint-Joseph, ils n’ont pas perdu d’élève. Les deux qui en ont perdu sont en effet Tevfik Fikret, deux élèves… et leur maman, et Piris Reis un élève, je les ai vus aussi. Ce sont des drames terribles. Je suis venu présenter mes condoléances par la voie de leurs directrices et ai aussi transmis une lettre aux parents. Il est sûr que cela dépasse la question de savoir qui est français ou qui ne l’est pas ; ce sont des établissements privés labellisés France Education et qui participent à la francophonie, à la culture française. Nous sommes marqués par ce qui se passe dans cette communauté francophone et d’intérêt français au sens large.
Que cela passe Izmir, une expression turque de circonstance…
Trois églises catholiques de la ville ont subi de gros dégâts. Vous vous êtes rendus aujourd’hui à Saint-Polycarpe et à la cathédrale Saint-Jean. Que pouvez-vous nous dire suite à ces visites ?
La première chose, c’est qu’en particulier Saint-Polycarpe est vraiment une église sublime, un monument d’architecture, notamment ses plafonds absolument extraordinaires. La cathédrale Saint-Jean est impressionnante aussi mais dans un autre style. Nous avons effectivement constaté que ces églises avaient été touchées par le séisme et vu diverses traces sur les bâtiments. L’heure est à l’état des lieux et aux expertises et nous allons rester en contact avec l’archevêché.
Au centre Olivier Gauvin, Consul Général de France à Istanbul, entouré par Mgr Lorenzo Piretto, archevêque latin catholique d’Izmir, Zeliha Toprak, Consule Honoraire de France à Izmir, le père Gabriel Ferone, Vicaire Général d’Izmir et les membres de la délégation diplomatique lors de la visite de l’église Saint-Polycarpe à Izmir suite au tremblement de terre
Vous avez passé deux jours ici, que souhaitez-vous ajouter par rapport aux visites et aux rencontres faites durant votre séjour ?
Ce que j’aimerais dire, c’est que nous avons une communauté française importante à Izmir, dynamique au niveau économique – nous avons vu également des entreprises françaises -, dynamique au niveau culturel et artistique et nous avons rencontré plusieurs personnes dans ce domaine-là. La communauté bénéficie d’un riche héritage historique peu connu. Nous avons aussi l’antenne d’Izmir de l’Institut Français, qui est un atout très précieux pour nous, malgré les contraintes très fortes en temps de Covid, avec un nouveau directeur extrêmement dynamique, créatif – et j’ajouterais sympathique. Il y a aussi un réseau de trois écoles labellisées. Tout cela constitue un beau vecteur de francophonie et de rayonnement de la France, de la culture française.
Et puis il faut le dire, c’est important, nous avons une agence consulaire dirigée par Zeliha Toprak, une Consule Honoraire vraiment formidable, très impliquée. Elle est à ce poste depuis 2001, mais auparavant, elle a travaillé à partir de 1978 comme agent consulaire et attachée économique lorsque c’était un Consulat de plein exercice. Elle connaît parfaitement Izmir et le métier consulaire, est en contact permanent avec les Français qui sont ici et travaille en relation très étroite avec nous. C’est une chance pour les Français d’Izmir et pour le Consulat Général d’Istanbul d’avoir une femme comme elle pour exercer ce type de responsabilités. Permettez-moi d’ailleurs de la remercier ici sincèrement et chaleureusement pour tout ce qu’elle fait.
Un dernier point : c’est ma seconde visite à Izmir en deux mois ; elle s’effectue dans un contexte particulier et douloureux mais de toute façon je reviendrai régulièrement, espérons-le dans de meilleures conditions et sans la Covid, ce qui permettra plus d’activités. Je voudrais faire passer un message important : le Consulat Général basé à Istanbul inclut totalement la circonscription d’Izmir comme un des axes principaux de son action en raison de son importante communauté française. Celle-ci peut toujours compter sur nous, sur place sur la Consule Honoraire et l’agence consulaire, à Istanbul sur moi-même, sur Sébastien Bulot, mon adjoint, sur Pierre Deroubaix et sur toute l’équipe.
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Si les communautés chrétiennes d’Izmir ne déplorent pas de victimes, trois églises catholiques de la ville ont été touchées par le séisme.
Le dôme du maître-autel, les murs de l’abside et les coupoles ainsi que les chapelles latérales de la cathédrale Saint-Jean (D.O.M.), restaurée il y a à peine quelques années, ont subi des dommages conséquents. De nombreuses fissures sont aussi apparues au niveau des murs et plafonds de plusieurs pièces annexes. La cathédrale, fermée aux visites en raison de la pandémie et restée ouverte uniquement pour le culte, a été complètement fermée et les célébrations auront lieu dans une autre église.
Une partie des dommages subis par la cathédrale Saint-Jean d’Izmir suite au tremblement de terre
L’église Saint-Polycarpe a aussi été gravement endommagée. Le clocher est très affecté, de nombreuses fissures sont à déplorer au niveau du magnifique plafond décoré de fresques et des fragments sont tombés au sol. La statue noire de la Vierge Marie est tombée de sa base perdant au passage sa couronne et cassant son bras droit et sa jambe droite.
Le clocher de l’église Saint-Polycarpe à Izmir suite au tremblement de terre
Une des fissures dans l’église Saint-Polycarpe à Izmir suite au tremblement de terre
Une importante inondation s’est produite dimanche après-midi à l’entrée de l’église mais l’eau s’est finalement retirée d’elle-même lundi matin. Les prières spécifiques prévues à l’église Saint-Polycarpe, déjà fermée à la visite en raison de la pandémie, ont été annulées.
L’église Sainte-Hélène située à Karşıyaka a également subi de graves préjudices entre fissures au niveau de tous les plafonds, chute de fragments à l’intérieur et de gros blocs de pierre à l’extérieur, tuiles cassées au niveau du toit. À l’entrée principale, des fissures sont visibles au niveau des colonnes de l’édifice et l’église est actuellement fermée.
Deux des innombrables impacts à l’église Sainte-Hélène à Karşıyaka/Izmir suite au tremblement de terre
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