A une heure à peine du débarcadère de Yalova accessible facilement d’Istanbul en ferry (deniz otobüsü) se trouve la jolie petite cité rurale d’İznik. Connue pour ses faïences réputées qui décorent notamment de nombreuses mosquées célèbres situées de part et d’autre du Bosphore, les visiteurs viennent surtout admirer le lac éponyme tout proche et visiter la mosquée Sainte-Sophie – appelée aussi Orhan – à l’histoire tumultueuse.
Une église, portant le nom de Sainte-Sophie, est construite au IVème siècle sur les lieux d’un temple plus ancien. En 787 s’y tient le second Concile de Nicée – ancien nom d’İznik – et 7ème réunion œcuménique de l’église romaine qui décide alors d’accepter à nouveau le culte des images en le réglementant. En 1065, un tremblement de terre occasionne de gros dégâts et la nef va faire l’objet de transformations considérables, notamment l’ajout de colonnes de séparations afin d’assurer une meilleure tenue de l’édifice.
Le sultan Orhan Gazi transforme l’église en mosquée en 1331 après avoir conquis la ville. Au XVIème siècle, le célèbre architecte ottoman Sinan est chargé par Soliman le Magnifique de la restaurer suite à un incendie. Un mihrab plus imposant est alors mis en place, un minaret ajouté… et une partie des colonnes précitées enlevées.
L’édifice est détruit en 1920 lors de la guerre d’Indépendance et laissé à l’abandon. La Direction des Fondations de la proche ville de Bursa dont il dépend décide en 2007 de nouveaux travaux de réhabilitation dont celui du minaret démoli entre-temps. Après quelques années en tant que musée, la mosquée Sainte-Sophie rouvre ses portes au culte le 6 novembre 2011.
A l’intérieur, il reste des traces visibles de l’église d’origine, en l’occurrence de jolies mosaïques qui couvrent partiellement le sol ainsi que des bouts de fresques, certaines protégées derrière des vitres, d’autres sous le dôme.
Son lac et ses anguilles
İznik est également connue pour son lac, le 5ème plus grand du pays, avec une surface de 290 km² et une profondeur maximale de 80 mètres. Situé à une dizaine de minutes à pied du centre, c’est un lieu de promenade et de pique-nique très apprécié tant en journée que pour admirer le coucher du soleil. L’anguille y est pêchée et servie dans les restaurants bordant le lac et dans certains établissements de la ville.
Lors d’un survol des lieux en hélicoptère en 2014, une basilique byzantine est détectée dans les eaux à 20 m seulement de la rive. Datant du IVème siècle, le tremblement de terre qui a eu lieu en 740 aurait provoqué son engloutissement. L’Institut archéologique américain a estimé que cette découverte était l’une des 10 plus importantes de cette année-là. Un musée sous-marin est en cours de réalisation afin que les visiteurs puissent bientôt (2017-2018) en profiter.
La mosquée Verte, érigée au nord de Sainte-Sophie, figure parmi les autres lieux appréciés à İznik par les visiteurs, notamment pour son admirable minaret décoré de tuiles vertes vernissées, ancêtres des faïences qui font la réputation de la ville.
Erigée sur ordre de Çandarlı Halil Paşa, vizir du sultan Murat, sa construction, qui constitue le premier modèle d’architecture ottomane, est achevée à la mort du souverain par son fils. L’élégance du porche de marbre blanc attire également le regard.
Ses remparts
La visite des remparts byzantins de la ville d’une dizaine de milliers d’habitants est souvent oubliée des touristes et c’est bien dommage. Sur un polygone d’environ 5 km se trouvent 16 portes – 4 grandes et 12 secondaires – portant toutes des noms indiquant leur direction (İstanbul, Yenişehir, Göl, Lefke, etc).
La muraille intérieure, d’une hauteur de 9 mètres et d’une largeur d’environ 4 mètres et édifiée vers la fin du IIIème siècle sous le règne de l’empereur Claude II, ne comprend pas moins de 114 tours. Quelques éléments de l’enceinte d’origine datant du 1er siècle sont encore visibles aujourd’hui. L’empereur Justinien a fait restaurer les murs au VIème siècle et des travaux récents ont redonné fière allure à la porte de Lefke et aux murailles alentours. Certaines portes sont originales, comme celle d’Istanbul qui, sur une face, présente un masque de femme et un masque d’homme.
A proximité de la porte de Yenişehir en venant de extérieur de la ville, se trouve un beau monument que peu de gens connaissent. Il s’agit du mausolée des guerriers du Kirghizistan, érigé à la demande d’Orhan Gazi à la fin du XIème siècle à la mémoire des Kirghiz qui ont contribué à la conquête de la ville et à la fondation du centre anatolien seldjoukide.
Près de la mosquée Verte évoquée plus haut se trouve le musée de la ville appelé aussi Nilüfer Hatun İmareti. En effet, cette construction de 1388, souhaitée par la mère du sultan Murat Ier, a reçu le nom de la personne qui est à son origine. Transformée en musée en 1960, les locaux abritant notamment les œuvres des époques romaines, byzantines et ottomanes trouvées lors des fouilles réalisées à İznik et dans les environs, sont pour le moment inaccessibles en raison des importantes excavations entreprises aux abords de la bâtisse.
Ses hammams
İznik possède quelques hammams dont celui de Murat II, toujours en activité et érigé durant la première moitié du XVème siècle. Deux parties, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes vous permettent de profiter à nouveau des joies du bain turc depuis une récente restauration.
Juste à côté, des fouilles entreprises à partir de 1984 ont permis de mettre au jour des ateliers de céramique datant du XV au XVIIème siècle et, entre autres, des fours que l’on aperçoit entre les grillages. Tous les étés, un petit groupe d’archéologues de l’université d’Istanbul continue à travailler sur le site.
Les amateurs iront aussi faire un tour à la mosquée d’Eşrefzade Abdullah Rumi du nom de ce mystique fondateur de la communauté Eşreffiye – une section de la confrérie soufie Kadiriye – et mort en 1469 ou 1470. Il repose dans le jardin aux côtés de différents membres de sa famille spirituelle.
Si l’ancien théâtre romain de la ville – d’une capacité de 15 000 places – datant du IIème siècle, n’est plus ouvert au public, c’est qu’il fait l’objet de travaux de fouilles dirigés par la section archéologique de l’université 9 Septembre d’İzmir. La scène de l’orchestre doit être totalement excavée puis restaurée. En passant devant, il est possible de voir l’ampleur du lieu – et des travaux en cours. De-ci de-là, quelques vestiges apparaissent aussi au détour d’une rue ou d’un olivier, parfois d’un hammam, parfois d’une église dont il reste des petits pans de murs plus ou moins identifiables.
Ses oliveraies
La région d’İznik est également réputée pour ses olives et ses produits dérivés, à déguster sans modération. A la sortie de la ville, derrière la porte de Lefke notamment, les oliveraies s’étendent à perte de vue. Une balade “nature” permet de se rendre compte à quel point les oliviers sont des arbres de toute beauté, façonnés par le temps. Certains, pluricentenaires, présentent des troncs à l’architecture absolument extraordinaire.
Au milieu de cette oliveraie, quelques mausolées disséminés abritent les sépultures de personnes peu connues du grand public tel Sari Saltuk, penseur et mentor né en 1260 et décédé en 1340 qui a beaucoup œuvré pour faire connaître la turcologie et l’islam. Douze lieux situés sur deux continents et neuf pays sont connus pour abriter sa dépouille, serait-ce l’âme d’un derviche errant qui repose là ???
Parmi ces monuments érigés à la mémoire de défunts, celui de Çandarlı Hayrettin Paşa, situé dans un cimetière au milieu des oliviers. Premier Grand Vizir de l’histoire ottomane, au service de Murad Ier, il décède en janvier 1387 et est inhumé ici après avoir servi durant 22 ans et 4 mois, record de durée de ce poste au service de l’Empire ottoman.
Difficile de revenir d’İznik sans ramener dans son sac ou sa valise une céramique. Plusieurs ateliers sont situés dans le centre-ville et certains artistes exposent une partie de leurs œuvres dans la splendide ancienne école coranique (medrese) Süleyman Paşa.
Un week-end dans ce joli coin près d’Istanbul constitue l’occasion de faire de belles découvertes en profitant d’un cadre verdoyant fort plaisant.
https://lepetitjournal.com/istanbul/escapade-iznik-lancienne-nicee-85534
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