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En Turquie, les chrétiens syriaques se battent pour leur avenir malgré la peur

Les craintes de nouvelles persécutions ont été réveillées cette année après la disparition d’un couple appartenant à la minorité catholique assyro-chaldéenne, à Sirnak, près de la frontière avec l’Irak.

OLJ/Raziye AKKOC/AFP / le 05 juin 2020 à 23h33, mis à jour à 06 juin 2020 à 00h04 

Quelques dizaines de fidèles endimanchés se recueillent en silence dans une église syriaque du VIe siècle à Mardin, dans le sud-est de la Turquie, assistant à l’une des dernières messes de cette communauté chrétienne d’Orient qui s’y déroulent encore.

Ils ne sont plus qu’environ 4 000 syriaques (aussi appelés assyriens ou assyro-chaldéens) à vivre dans cette région, après que les violences et la pauvreté ont chassé la plupart de leurs coreligionnaires de Turquie au XXe siècle. La diaspora est désormais éparpillée en Europe, avec plus de 100 000 personnes vivant en Allemagne et presque autant en Suède. Des dizaines de milliers d’assyriens vivent aussi en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Quelque 20 000 assyriens vivent aussi à Istanbul.

Aujourd’hui, les derniers représentants dans le Sud-Est turc de cette communauté qui prie en araméen, la langue que Jésus aurait parlée, se battent pour maintenir leur tradition en vie.

Yuhanun Akay, 40 ans, vit dans leur région historique de Tur Abdin (« la montagne des serviteurs de Dieu »), dans le village de Gülgöze, dans la province turque de Mardin. Autrefois, plusieurs centaines de familles habitaient dans ce village vieux de plusieurs siècles, vivant de la terre. Aujourd’hui, il n’y a plus que trois familles, dont celle de M. Akay, un agriculteur père de huit enfants.

« Avant, il y avait sept prêtres dans notre village. Nous avions trois églises, donc chaque quartier avait la sienne », raconte-t-il. « Chaque dimanche, il y avait une messe dans ces trois églises et elles débordaient de monde », ajoute-t-il.

« Difficile » 

Selon Evgil Türker, dirigeant de la Fédération des associations syriaques, il y a 2 500 églises et 300 monastères à Tur Abdin. M. Türker est lui aussi inquiet, évoquant les difficultés économiques et les « pressions politiques », même si la population a légèrement augmenté récemment.

Lorsqu’il était Premier ministre entre 2003 et 2014, l’actuel président Recep Tayyip Erdogan avait encouragé ceux qui avaient quitté la Turquie à revenir, un appel accompagné de la restitution de biens qui avaient été spoliés. Si ce geste a fait naître l’espoir d’une revitalisation des anciens villages, la plupart des assyriens ne reviennent en fait que pendant les vacances d’été, leurs maisons modernes restant vides le reste de l’année.

Selon M. Akay, aucun prêtre n’officie dans les trois églises de son village depuis 2001. Il n’est pas seulement inquiet pour sa religion : sa langue aussi est en péril. M. Akay raconte ainsi que l’école où il a appris l’araméo-syriaque n’existe plus. « C’est devenu difficile. Il n’y a plus personne pour l’enseigner » aux enfants, déplore-t-il. Avec son épouse, Sonia, ils essaient de transmettre leur héritage culturel à leurs enfants. Et en cas de besoin, ils font appel à un prêtre de Midyat, ville située non loin.

Couple disparu

De nombreux assyriens ont été tués en 1915, en parallèle du massacre de centaines de milliers d’Arméniens par les autorités ottomanes pendant la Première Guerre mondiale. Les survivants et leurs descendants ont ensuite progressivement quitté la Turquie au XXe siècle, notamment dans les années 1980-1990 à cause des affrontements entre l’armée et la rébellion kurde dans le Sud-Est.

Les craintes de nouvelles persécutions ont été réveillées cette année après la disparition en janvier d’un couple appartenant à la minorité catholique assyro-chaldéenne, à Sirnak, près de la frontière avec l’Irak. Des voisins affirment que les deux personnes âgées ont été enlevées. Le corps sans vie de Simoni Diril, 65 ans, a été retrouvé en mars. Le mari, Hurmuz, est toujours porté disparu. L’arrestation d’un prêtre syriaque orthodoxe, Sefer Bilecen, accusé d’« activités terroristes » par les autorités a aussi suscité l’inquiétude.

« Triste » 

Dans l’église du VIe siècle à Mardin, les familles écoutent le prêche, entourées de représentations du Christ et de la Vierge. Deniz Kirilmaz, une enseignante retraitée, explique que la vie s’est considérablement améliorée depuis les années 1990. « Vivre ici, c’est très important pour nos églises et nos monastères. Nos ancêtres vivaient ici. Perpétuer cela, ça a beaucoup de sens pour nous », explique-t-elle. 

M. Türker fait partie de ceux qui sont revenus d’Europe. Il dit qu’il se sent investi de la responsabilité de servir sa communauté en Turquie. « C’est mon pays », résume-t-il. Mais M. Akay est pessimiste. « C’est comme si la langue s’évaporait petit à petit, c’est rageant », dit-il. « Qu’une religion comme la nôtre, qu’un tel peuple disparaisse, c’est très grave et très triste. »

https://www.lorientlejour.com/article/1220816/en-turquie-les-chretiens-syriaques-se-battent-pour-leur-avenir-malgre-la-peur.html?fbclid=IwAR3iirQHCKbKi1z-vx5F2FZIm8KbZMaE1g1NDYPgxByGGSrGP6_tn2mr77c

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