Dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, toujours meurtrie des ravages des flammes de l’incendie d’avril 2019, Mgr Michel Aupetit a vénéré la Sainte Couronne d’épines, accompagné de Mgr Patrick Chauvet, recteur de la cathédrale et de Mgr Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris.
Durant de le temps de méditations qui a suivi, Mme Judith Chemla et par M.Philippe Torreton ont lu des textes de Paul Claudel, de Mère Teresa, de Charles Peguy et de Marie Noël, en alternance avec des pièces de musique interprétés par le violoniste Renaud Capuçon.
Méditation de Mgr Aupetit devant la Sainte Couronne d’épines :
Seigneur Jésus, il y a un an, cette cathédrale dans laquelle nous sommes brûlait, provoquant une sidération et un élan mondial pour qu’elle soit rebâtie, restaurée. Aujourd’hui, nous sommes dans cette cathédrale à demi effondrée, pour dire que la vie est toujours là. Cet élan de générosité est une façon de remarquer que ce monument extraordinaire est sorti du génie des hommes, quand ils arrivent à te contempler et à contempler Ta transcendance.
Aujourd’hui, Seigneur, dans cette Semaine Sainte, le monde entier est terrassé par une pandémie qui répand la mort et qui nous paralyse.
Cette Couronne d’épines a été sauvée au soir de l’incendie par les pompiers. C’est le signe magnifique et insigne de ce que tu as subi de la dérision des hommes, mais c’est aussi ce signe magnifique qui nous dit que Tu nous rejoins, au combe de nos souffrances, que nous ne sommes pas seul, et que Tu es avec nous, toujours.
Oui, sois avec nous, Seigneur, sois avec nous.
Le sage dans la Bible dit que les larmes du malheureux coulent sur la joue de Dieu. Ce n’est pas seulement un bon mot, Seigneur. En ce jour où nous fêtons le Vendredi Saint, où Tu as vécu ta Passion, nous avons vu effectivement les larmes des hommes couler sur Ta joue. Et c’est notre sang qui a jailli de Ton corps torturé. Oui, Seigneur, viens nous montrer que Tu ne nous abandonnes pas dans ce temps que nous avons à vivre.
Oui, bien sûr, nous allons fêter Paques bientôt, et nous célébrerons la vie plus forte que la mort. Nous célébrerons l’amour qui triomphera de la haine.
En ce moment si particulier nous Te demandons et nous Te confions tous ceux qui sont victimes qui de cette maladie terrible, ceux qui restent dans le deuil, ceux qui sont morts. Ceux aussi qui se dévouent corps et âmes, les soignants et tous ceux qui se sont levés bénévolement pour servir leurs frères.
Apprends-nous Seigneur, une plus grande fraternité. Que cette épreuve nous apprenne à vivre ce que Tu nous as appris : “Aimez-vous les uns les autres.” Oui, apprends-nous Seigneur, à nous aimer d’avantage les uns les autres, comme Tu nous as aimés.
Seigneur, nous pourrons dire alors, en toute vérité, ce que disait le grand mystique espagnol saint Jean de la Croix : “je crois, je crois seulement qu’un grand amour m’attend.”
Les textes lus lors de la vénération
« Père pardonne leur », de Paul Claudel
Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n’ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête.
Midi !
Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage,
Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu’on a le cœur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,
Telle qu’elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.
Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme, l’Eden de l’ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir les larmes accumulées,
Parce que vous m’avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu’elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu’à l’heure où tout craquait, c’est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu’il est midi, parce que nous sommes en ce jour d’aujourd’hui,
Parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
« Femme, voici ton fils. Voici ta mère », de Francis Jammes
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s’amusent au parterre
Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s’ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent
Je vous salue, Marie
Par les gosses battus, par l’ivrogne qui rentre
Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l’humiliation de l’innocent châtié
Par la vierge vendue qu’on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue, Marie
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S’écrie “mon Dieu !” par le malheureux dont les bras
Ne purent s’appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne
Je vous salue, Marie
Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l’on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins
Je vous salue, Marie
Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid
Par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée
Par le baiser perdu par l’amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie
Je vous salue, Marie
« J’ai soif », de Mère Teresa, in Testament Spirituel
Je viens, assoiffé de te consoler, de te donner ma force,
pour te relever, t’unir à moi, et panser toutes tes blessures.
Je t’apporte ma lumière pour dissiper toutes les ténèbres et tous les doutes de ton cœur.
Je viens avec ma puissance, afin de te porter toi-même et de porter tous tes fardeaux.
Je viens avec ma grâce pour toucher ton cœur et transformer ta vie.
Je viens avec ma paix pour apaiser ton âme.
Je te connais entièrement. Je sais tout de toi.
Tous tes cheveux sont comptés. Rien de ta vie n’est sans importance à mes yeux.
Je t’ai suivi pendant toutes ces années, et je t’ai toujours aimé, même lorsque tu étais sur des chemins de traverse.
Je connais chacun de tes problèmes.
Je connais tes besoins et tes soucis.
Je connais tous tes pêchés, et je te le redis :
“Je t’aime, non pour ce que tu as ou n’as pas fait.
Je t’aime pour toi-même, pour la beauté et la dignité que mon Père t’a données en te créant à son image et à sa ressemblance. C’est une dignité que tu as peut-être souvent oubliée, une beauté que tu as ternie par le péché, mais je t’aime tel que tu es et j’ai versé mon sang pour te ramener à Dieu.
Si tu me le demandes avec confiance,
ma grâce viendra te toucher et combler.
Et je te donnerai ma force pour que tu sois libéré du péché et de son pouvoir destructeur.
Je sais ce qu’il y a dans ton cœur. Je connais ta solitude et tes blessures, les rejets, les jugements et les humiliations que tu as subis.
Tout cela, je l’ai porté avant toi et pour toi, afin que tu puisses partager ma force et ma victoire.
Je connais tout spécialement ton besoin d’amour.
Combien tu as soif d’être aimé et d’être chéri et combien tu as cherché en vain à assouvir cette soif, dans un amour égoïste, essayant de remplir le vide de ton cœur dans les plaisirs qui passent, avec un vide encore plus grand, celui du péché.
Est-ce que tu as soif ?
« Tout est achevé », de Marie Noël
« Ayez pitié, mon Dieu, de ceux qui se sont chargés de la croix des autres, de ceux qui se sont faits des sauveurs. Sauveur de tous, donnez au médecin la Lumière. Eclairez-le dans l’obscurité d’autrui, pour qu’obligé de pénétrer dans le secret des corps et des âmes, il ne se trompe pas de route et ne blesse rien en passant. Donnez au médecin l’Amour, pour que, chargé de sa propre peine et sans refuge peut-être pour lui-même, il trouve toujours en soi une douceur, un abri, une force pour le désespéré qui l’attend.
Donnez au médecin la Grâce, pour qu’en son plus mauvais moment, dans son incertitude, sa faiblesse d’homme, son trouble, il reste toujours assez sage, toujours assez bon, toujours assez pur, digne de la douleur sacrée dont la foi s’est donnée à lui. Donnez au médecin la Fidélité dans la Miséricorde, pour qu’il n’oublie pas, n’abandonne jamais le moindre des misérables qui à lui se fie.
Donnez-lui la Force, ô mon Dieu, pour que le poids de tous ne vienne pas trop l’accabler, pour que la détresse qu’il porte n’atteigne pas trop sa joie, pour que la blessure qu’il panse ne lui fasse pas de mal. Ainsi soit-il. »
Extrait de “Le porche du Mystère de la deuxième vertu”, de Charles Péguy
Une couronne a été faite une fois : c’était une couronne
d’épines. Et le front et la tête ont saigné sous cette couronne de
dérision. Et le sang perlait par gouttes et le sang s’est collé dans
les cheveux.
Mais une couronne aussi a été faite, une mystérieuse
couronne. Une couronne, un couronnement éternel. Toute faite, mon enfant, toute faite de souples rameaux
sans épines. De rameaux bourgeonneux, de rameaux de fin mars. De rameaux d’avril et de mai.
De rameaux flexibles et qui se tressent bien en couronne. Sans une épine.
Bien obéissants, bien conduits sous le doigt. Une couronne a été faite de bourgeons et de boutons. De bourgeons de fleurs comme un beau pommier, de
bourgeons de feuilles, de bourgeons de branches. De bourgeons de rameaux.
De boutons de fleurs pour les fleurs et pour les fruits. Toute bourgeonnante, toute boutonnante une couronne
a été faite Mystérieuse.
Toute éternelle, toute en avance, toute gonflée de sève. Toute embaumée, toute fraîche aux tempes, toute tendre
et embaumante. Toute faite pour aujourd’hui, pour en avant, pour
demain. Pour éternellement, pour après-demain. Toute faite de pointes menues, de pointes tendres, de
commencements de pointes. Feuillues, fleuries d’avance,
Qui sont les pointes des bourgeons, tendres, fraîches, Et qui ont l’odeur et qui ont le goût de la feuille et de
la fleur. Le goût de la pousse, le goût de la terre. Le goût de l’arbre. Et par avance le goût du fruit. D’automne. Pour calmer le pauvre front battant de fièvre, chargé de
fièvre, Afin de rattraper, afin de revaloir le couronnement de
dérision, Pour adoucir, pour apaiser, pour calmer, afin de rafraîchir les tempes battantes, Les tempes fiévreuses. Le front ardent, le front fiévreux, Lourd de fièvre, les tempes chaudes, la migraine et
l’injure, et le mal de tête et pour calmer la dérision
même. Pour apaiser, pour embaumer, pour étancher le sang
qui se collait dans les cheveux Une couronne aussi a été faite, une couronne de sève,
une couronne éternelle, Et c’est la couronne, le couronnement de l’espérance.
Comme une mère fait un diadème de ses doigts allongés, des doigts conjoints et affrontés de ses deux mains fraîches Autour du front brûlant de son enfant Pour apaiser ce front brûlant, cette fièvre, Ainsi une couronne éternelle a été tressée pour apaiser
le front brûlant. Et c’était une couronne de verdure. Une couronne de feuillage.
Il faut avoir confiance en Dieu mon enfant. Il faut avoir espérance en Dieu. Il faut faire confiance à Dieu. Il faut faire crédit à Dieu.
Les références des morceaux de musique
- Adagio de la Sonate BWV 1001, Bach
- Presto de la Sonate BWV 1001 Bach
- Melodie d’Orphée, Gluck
- Largo de la Fantaisie n°7, Telemann
- Sarabande de la Partita BWV 1004, Bach
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