Le 7 avril, Ara Khatchadourian, Marseillais aux racines arméniennes, s’élancera pour un marathon de 120 jours. Une course folle pour la paix jusqu’à Erevan.
« Je veux rencontrer tout le monde. De l’Italie à la Serbie, de la Croatie à la Bulgarie, jusqu’à la Turquie et l’Arménie, je veux voir le plus de gens possible. »
Comment se partage-t-on entre une vie de joaillier-bijoutier et une vie de sportif de l’extrême ?
On se lève à 5 heures du matin et on commence à s’entraîner jusqu’à six heures. De la course à pied, de 7h à 8h du vélo, puis de la natation jusqu’à 9 heures. Et le week-end, on met les bouchées doubles. C’est-à-dire, 2 heures de run, de natation, de vélo. Cela est mon quotidien pour préparer des défis fous, comme cette course pour la paix et l’éducation.
Qu’est-ce qui vous motive, l’aspect humanitaire pour porter un message pacifique ou votre envie de faire du sport à titre personnel ?
Évidemment ces deux aspects sont importants. Le but principal est au travers du sport-défi de parler de paix. C’est à la suite de la demande d’une amie de parler de ce thème en milieu scolaire, enseignante confrontée à certains élèves paresseux, qui ne voulaient plus faire d’efforts, que s’est éveillé en moi cet appel après avoir raconté mon ascension de l’Everest. Lorsque j’ai vu tous ces yeux qui brillaient dans les classes, je me suis dit que j’avais une mission afin de porter le message de la valeur de l’effort et de leur donner l’envie de se dépasser. Que ce soit dans le métier qu’ils envisagent de faire comme dans divers domaines, que ce soit le sport ou la culture.
Cette ascension vertigineuse, pouvez-vous en rappeler les principales étapes ?
J’avais décidé en 2015 d’y aller par la Chine via le Tibet. Et lorsque j’ai dit à une organisation de voyage extrême que je voulais gravir l’Everest, ils m’ont dit que je pouvais rejoindre un groupe qui passait par la face Nord, coté Népalais. J’ai dit oui. Et le 25 avril 2015, durant l’ascension, un tremblement de terre s’est produit dans la région et nous ne pouvions aller plus loin. Le camp de base était touché,plus de communication, beaucoup de villages ébranlés, des maisons détruites, des routes défoncées, et surtout plus de deux mille morts dénombrés par les autorités locales. J’ai pu finalement rentrer à Marseille, où des journalistes m’attendaient à l’aéroport et j’avais déclaré à l’époque que j’accomplirai cette ascension l’année suivante pour planter un drapeau de paix au sommet de cette montagne. Beaucoup de gens et organisations s’étaient greffés à ce voyage, comme la Jeunesse Arménienne de France, CPLM (Courir pour la mémoire) à Marseille, là où cette histoire a commencé.
Deux ans plus tôt,cette association m’avait invité pour parler de mes défis au Mont Ararat, au Mont-Blanc ou au Kilimandjaro que j’avais escaladé. J’avais dit que je délivrerai un message, de paix, de mémoire et de reconnaissance envers tous les génocides perpétrés dans le monde. Celui des Arméniens est commémoré le 24 avril 2015. Mais il fallait m’aider financièrement pour arriver à accomplir cette mission. J’ai fait appel à des sponsors, des mécènes d’entreprise qui m’ont suivi dans cette fantastique aventure qui est loin d’être terminée. C’est à ce moment-là que cette expédition a pris une tournure consistante, même si j’ai été stoppé par ce séisme. Et l’année suivante, 22 mai 2016, je touchais au but en atteignant le plus haut sommet du monde(8 848 m). J’y ai planté au sommet le drapeau de la paix, celui de l’Arménie et bien sûr le drapeau de la France.
A quelques heures près lors de ce séisme dans l’Himalaya ce 25 avril 2015, c’était la date souvenir de ce génocide centenaire qui a marqué des générations et dont la plaie n’est pas refermée. Une parabole, un hasard ?
Effectivement, c’est à 14h, heure népalaise, que le tremblement de terre a eu lieu. Je n’interprète rien. Je laisse cela à l’imagination des lecteurs. Mais cette coïncidence est troublante.
Dans quelques temps, vous vous préparez à un nouveau défi. Quelle forme prend-il ?
Après la verticalité, j’ai choisi l’horizontalité. J’ai dit à mes sponsors, si vous voulez que je continue à gravir mes 14 sommets au-dessus de 8 000 mètres, je suis prêt encore si vous m’aidez financièrement. Ils m’ont dit « mais tu as gravi le plus haut somment du monde, il faut trouver autre chose ». Alors je me suis dit pourquoi ne pas courir pour la paix jusqu’à Erevan, la capitale de l’Arménie en parcourant un marathon par jour, soit la distance de 42 kilomètres. C’est ce qui a intéressé l’Unicef. Pour ma part, j’emmène avec moi un tee-shirt avec le drapeau turc, en signe d’apaisement. Un camping-car me suivra, ce voyage pour la paix prendra quatre mois, beaucoup de gens voulaient me suivre, mais en raison de leurs activités professionnelles ou familiales, ils ont dû renoncer et me suivront sur les réseaux sociaux. C’est pour cela que nous partons seulement à deux, le chauffeur et moi-même .
Mais avant de m’élancer, je voudrais dire aussi que les générations actuelles ne sont pas responsables du génocide arménien. Ce sont les autorités de l’époque qui sont responsables. Le gouvernement qui a décidé de chasser les Arméniens de leurs terres. Ils ont donné l’ordre aux armées de l’empire Ottoman de le faire. Il ne faut pas oublier que la victime est le peuple turc, avec les Arméniens. Néanmoins, c’est au gouvernement actuel de reconnaître ce génocide commis pas les gouvernements précédents.
Espérez-vous, en passant par la Turquie, retrouver des membres de la communauté arménienne qui vivent encore dans ce pays ?
Je veux rencontrer tout le monde. De l’Italie à la Serbie, de la Croatie à la Bulgarie, jusqu’à la Turquie et l’Arménie, je veux voir le plus de gens possible. Je suis citoyen du monde. D’origine arménienne, né au Liban, Marseillais d’Europe. Celui qui me dit « d’où viens-tu ? Quelle est ta religion ? Dans quel pays tu es né ? » Je lui réponds : « citoyen du monde ». On devrait tous l’être pour s’entraider et avancer pour la paix. C’est par l’éducation, le sport et la culture que nous y arriverons.
Réalisé par S.R.
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